lundi 2 septembre 2013

Et une bouteille de rhum !







Ca faisait bien trop longtemps que je n'avais pas eu de nouvel album en librairie, et la sortie le 6 septembre de "Paco les Mains Rouges" arrive donc à point nommé !


Ce récit à la première personne d'un homme envoyé au bagne de St Laurent en Guyane, dans les années trente, a été écrit spécialement pour Eric Sagot, dont le trait faussement naïf s'apparentant à l'art brut des tatouages de Biribi ou de St Laurent collait parfaitement au type de récit que j'avais en tête quand j'ai imaginé "Paco" : une histoire d'évasion s'inscrivant dans la lignée d'un livre comme "Papillon".


Par ailleurs, ce livre, le premier d'un diptyque, me tient particulièrement à coeur étant donné que c'est la première fois que je m'essaye au genre romanesque ET romantique. Eh oui.


Car "Paco les Mains Rouges", outre le fait de raconter par le menu le quotidien abominable des centaines milliers de bagnards français envoyé dans cet enfer, est aussi (et peut-être surtout) une belle histoire d'amitié et d'amour entre deux hommes que tout oppose.


Il n'a donc pas été simple de trouver le ton juste pour n'être ni trop mièvre, ni trop caricatural.

J'ai dû par ailleurs dépasser quelques doutes sur ma capacité et ma légitimité à évoquer une histoire d'amour homosexuelle depuis ma position d'homme hétérosexuel... Car j'ai plutôt tendance à être totalement d'accord avec les arguments développés par Julie Maroh lors de la récente adaptation du "Bleu est une couleur chaude" au cinéma par Kechiche : difficile d'être toujours parfaitement juste pour évoquer une situation qu'on ne connait pas intimement... En particulier quand on parle de sexualité.


Mais à l'époque (car j'ai écrit le scénario de Paco il y a maintenant quelques années ), j'ai estimé pouvoir me lancer dans ce récit pour trois raisons principales :

- Tout d'abord parce que je savais possible de ne pas tout montrer - en usant d'ellipse - et donc de "me taire" lorsque des passages étaient indicibles depuis ma position hétérosexuelle.

- D'autre part parce que mon récit parle précisément d'un homme qui se découvre un penchant amoureux pour un autre homme,  alors même qu'il s'estime toujours hétérosexuel, aussi paradoxal que cela puisse paraître (et c'est précisément une partie du sujet qui m'intéresse).

- Enfin, parce que nous sommes ici au coeur même du processus de création : un auteur est toujours "situé", il parle depuis un point de vue précis (dans mon cas, masculin, blanc, quadragénaire, hétérosexuel) et doit cependant être capable (ou prétendre l'être) de parler depuis tous les autres points de vue (homme de couleur, femme, enfant, vieux, etc...). Il y a donc forcément un travail d'extrapolation. Je dois extrapoler, en écrivant sur des personnages très âgés, sur ce que doit être le fait "d'être vieux" alors que je ne le suis pas encore (ou pas tant que ça)... Je dois extrapoler quand j'écris sur des personnages féminins, en allant piocher dans la part féminine de ma psychée. Pour Paco, j'ai donc extrapolé en me basant sur la part potentiellement homosexuelle de mon inconscient, étant en effet personnellement convaincu (mais cette théorie n'engage que moi)  que tout être humain est potentiellement bisexuel mais refoule généralement cette facette de soi.

Et c'est sur la base de ces arguments que j'ai convaincu Eric de me suivre dans ce récit, ce qu'il a fait avec une confiance totale, ce dont je le remercie encore chaleureusement.


Au final, je suis donc sincèrement content de ce qu'Eric et moi avons fait sur "Paco les Mains Rouges", et j'espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire que nous à le réaliser. Vous trouverez par ailleurs en fin d'album un carnet graphique de toute beauté qui vous montrera de plus près le magnifique travail préparatoire effectué par Eric sur ce scénario.

Bonne lecture !